Éditorial de Juillet 2016

LES PARAMÉCIES DANS LEUR BOCAL CROISSANCE ET EXTINCTION

Souvent j'y pensais...du temps où j'enseignais les sciences de la vie au collège. En classe de 5è, j'en parlais, de ces petits êtres primaires, ciliés, s'agitant dans un bocal d'eau stagnante. C'était au programme. Et dans les manuels scolaires, la bestiole était parfaitement schématisée, avec son noyau central, son cytoplasme périphérique, les microscopiques gouttelettes lipidiques flottant allègrement dans un liquide nutritif, lui-même à son tour flottant dans l'espace environnant, tout empli de minuscules algues, et de milliers d'organismes apparaissant au microscope tels une forêt vierge hérissée de multiples pointes, épées, sabres, monstres marins, et autres fantaisies meublant l'océan de ce contenant transparent mais solide – dur – infranchissable - petits êtres y prospérant joyeusement, les plus gros phagocytant complaisamment les plus petits, ou encore les plus petits, effrontément, parasitant les plus gros. 

 

Tout le symbole de la philosophie de la vie, là, à portée de microscope, dans un modeste bocal. 

 

Et puis, le manuel expliquait ensuite : dans un premier temps la paramécie se nourrit des déchets et animalcules flottant dans l'eau stagnante, sa population croît rapidement. Au fur et à mesure, elle produit en même temps des déchets, qui vont, eux aussi, en croissant. Peu à peu, la population de paramécie va disparaître, étouffée dans ses déchets. 

 

Bon. Bon bon ! Le manuel ne croyait pas si bien dire. L'homme, minuscule paramécie à l'échelle cosmique, était bel et bien en train d'essayer, par tous les moyens en son pouvoir, d'augmenter, avec acharnement, sa croissance, dans un bocal clos, s'étouffant allègrement sous ses propres déchets. 

 

Partout, depuis toutes les directions de l'espace, les médias font à présent résonner aux alentours le cri unanime – amplifié - anxieux - revendicatif – ou victorieux :… Crrr Crrr k...CROISSANCE ! A tous prix et à n'importe quel prix. Sans elle, notre monde économique est supposé condamné à mort, à moyen terme. Il faut ACHETER...beaucoup , souvent, tout le temps ! Construire, bâtir, s'agiter, vendre, démolir, refaire, repenser. JETER, beaucoup, souvent. Tout le temps ! Alors on achète – on jette. Frénétiquement...Et tout va pour le (hmm) mieux, dans le meilleur (hmm) des mondes. L'espace terrestre n'étant pas extensible, on rogne sur les forêts vierges. Le bois peut être employé pour faire de l'aggloméré, mélangé au formol - aux émanations légèrement allergisantes - mais cela aussi entretient le commerce, car à présent toutes les allergies, provoquées par de microscopiques et vilaines petites bestioles, elles-mêmes aidées en ceci par de méchants grains de pollens, permettent de faire, elles aussi, tourner le commerce. Grains de pollen et vilaines petites bestioles se coalisant pour embêter les enfants, et même les adultes, depuis quelques décennies, parallèlement au développement de l'industrie chimique et de la technologie. Celles-ci produisant non seulement du bon tabac pour mettre dans la tabatière, mais également moult miraculeux produits aux vertus inégalables : isolants amiantés – laine de verre – de céramique – déodorants volatiles censés juste tuer les mauvaises odeurs – déterminées mauvaises en vertu des lois de la mode qui a décrété que le corps humain sent mauvais – et qu'il convient mieux de remplacer cette odeur-là par l'odeur du formol et de l'eau de javel. De nombreuses bougies aux formes féériques, dégageant, lors de la combustion de la mèche, un certain parfum – les uns le déterminant subtil – les autres le trouvant écoeurant – selon les cultures et les habitudes – se présentent, alléchantes, à l'appétit des acheteurs. L'espace des hypermarchés est imprégné d'un savant et subtil mélange : celui du parfum de la cire des bougies (pas besoin de combustion pour sentir – heuh – bon (!?), mêlé aux molécules odorantes du thym, du laurier, de l'ail, de l'air chaud sortant de derrière les congélateurs, de l'air froid brassé par devant, de l'odeur de l'encre imprégnant les chandails made in China – aussi – tout cela se mêlant aux émanations subtiles se glissant, telles des nanoparticules, au travers des parois et des bouchons, au rayon produits d'entretien, ceux-ci destinés à neutraliser toute vie sournoise qui, sans autorisation ni visa, se piquerait d'envahir notre espace vital, souhaité, idéalement aseptique (depuis Pasteur, et de ses descendants fabricants de détergents à l'échelle industrielle. Aux subtiles odeurs, donc - molécules déterminées inoffensives à la santé – flottant dans l'air ambiant aux côtés de minuscules fibres de verre, de particules plastiques, d'amiante -ou de divers agglomérés, vous picotant gentiment les narines. Celles-ci, une fois quitté ces lieux féériques, continuant à vous picoter , soit par l'agression bleuâtres des particules projetées hors du pot d'échappement de la voiture qui vous précède, soit émanent du champ de colza que vous longez, sur l'autoroute – le pollen de colza étant réputé ennemi des narines sensibles. Et pour finir en beauté, le soir, un dernier ennemi vous attendant sous l'enveloppe de l'oreiller : l'un des alliés des pollens, le microscopique mais dévastateur acarien - avec un grand A. Et il m'étonne qu'aucune autorité ne se soit piquée encore – mais peut-être que cela ne va pas tarder... de recommander au bon peuple de bombarder l'oreiller d'insecticide, afin de neutraliser définitivement ces empêcheurs de respirer en rond. Mais là je m'égare peut-être : les oreillers sont gonflés aux particules synthétiques, aux noms savants, trop peu digestes pour être la proie des acariens – et ceux -ci, n'étant pas classés parmi les insectes, ne peuvent probablement pas non plus être tués de la sorte, mais plutôt avec des « acaricides ». Peut-être que l'industrie chimique est parvenu à en placer sur le marché, sous un autre nom !? 

 

Revenant de ma poétique balade au travers des plaisances de l'hypermarché, je re-songeais à mes fameuses paramécies qui, depuis que mon environnement se dégrade légèrement, deviennent pour moi une obsession. Lors de notre AG (avant-hier), j'avais bien parlé de l'environnement des Zoufftgenois – qui risquait de se dégrader à une certaine vitesse, en considérant les activités agricoles, allant en s'amenuisant, et la pression de l'industrie du BTP, désireuse de stocker ses déchets, allant en croissant. Un certain vent d'incrédulité, teinté d'un peu de peur, et d'un brin de déni – avait effleuré mes narines (hypersensibles). 

 

Un bref instant, l'envie m'était venue de parler de l'homme dans son boc...pardon : des paramécies dans leur bocal. Et puis j'avais changé de sujet. Cela nous aurait amenés un peu loin. Dans des contrées philosophico-écolos un brin inusités dans des assemblées générales tournées plutôt vers le côté pratique des choses : pour 5 hectares de terrains recouverts par des déchets dits inertes, apportés par les entreprises de BTP, stockés sur deux mètres de haut, mathématiquement, cela nous donne, à raison de 10 mètres cubes transportés chaque fois par camions, bennes ou tracteurs, un passage de 10 000 engins lourds, chaque fois que 5 hectares sont ainsi recouverts. 

 

L'envie m'avait prise de rechercher sur Google les terres agricoles disponibles à Z : lors du dernier recensement noté, soit en 2010, la commune totalisait 335 hectares de « terres labourables » et 184 hectares de « terres toujours en herbes ». 

 

Je m'étais amusée à calculer combien cela pourrait nous amener d'engins lourds passant par le village, à raison de 10 mètres cubes transportés par engin, dans le but de sur-élever-aménager, par des déchets du BTP, tous ces terrains, s'ils venaient à être mis « à disposition »... 

En arrondissant à 500 ha, sur 2 m de haut (hauteur limite permise sans autorisation), cela nous donnerait 10 millions de mètres cubes. Ce qui nécessiterait, à raison de 10 m3 par camion, un million de camions. Si cela se produisait sur 10 ans, cela donnerait 100 000 camions par an, et, à raison de 300 jours travaillés : 333 camions par jour, tous les jours, sauf WE, pendant 10 ans. Ce qui ne serait pas possible, car les routes seraient cassées avant, et il y aurait eu plusieurs déraillements, au niveau du passage à niveau n°11. 

Pour clore dignement la fantasmagorie : 

Si cela se produisait en un an, cela impliquerait 3333 camions p.jour, et cela aurait creusé un tunnel 

sous la route du village, qui ferait que nous ne serions plus là pour faire le calcul ! 

 

La Présidente de Cancer-Espoir 

Simone SCHLITTER