Éditorial d'Avril 2017

Les Urgences

Tout le monde dans notre beau pays est au courant depuis un bon moment : il ne faut pas être pressé pour aller aux Urgences. Dans la super-série américaine du même nom, un groupe d'internes va se précipiter sur votre brancard, l'une des « blouses blanches » -  à présent de couleur verte - espoir oblige - va immanquablement se ruer à votre chevet, défibrillateur dans une main, masque à oxygène dans l'autre... Mais dans la vraie vie, dans toutes les bonnes villes de France, aux Urgences, vous avez l'assurance de passer la nuit sur un brancard dans un couloir – encore que ce ne soit que partiellement vrai : dès l'instant où vous ne vous écroulez pas en bas de la chaise roulante, dans laquelle le personnel - lui-même à la limite du burnout - vous aura placé – hagard - et l'esprit occupé à autre chose - vous n'aurez pas droit au brancard, et resterez sagement  coincé, une partie de la nuit, sur ce siège de fortune (disons plutôt : de mauvaise fortune).

 

Perso, j'avais prévu le coup : risquant de m'endormir carrément, sur le coup de 2 h du matin, sur ce siège inaccoutumé, dont l'inconfort croissait en fonction inverse de la durée passée dans « le couloir des infortunés », j'avais, au passage, happé une blouse verte, et prétendu, d'une voix mourante, que d'un instant à l'autre j'allais tomber par terre – ce qui était tout de même à moitié vrai – et peut-être même aux trois quarts – qui sait !?

 

Du coup j'avais eu droit à un brancard – à défaut de couverture – j'entamai une conversation un brin somnolente avec un monsieur grisonnant, fort angoissé, à qui il venait d'arriver un « certain malheur ». L'homme en parlait avec calme et une certaine dignité. Juste un petit tremblotement dans sa voix, et son air préoccupé, témoignaient de son stress réel. Lorsqu'une autre blouse verte vint enfin le chercher, pour le transporter je ne sais où, je fus assez contente pour lui, mais du coup je replongeai dans mon angoisse propre : je foutais quoi, là, dans ce couloir bizarre, entourée de brancards soutenant des corps affaissés, aux visages tendus, épuisés, stressés, moitié dormant, moitié attentifs. C'était quoi, ça !?

 

De onze heures du soir à trois heures du matin, mon angoisse, peu à peu se dissipa, remplacée par le bruit feutré des roues des brancards qui allaient et venaient. Et par les lueurs verdâtres et sombres, qui émanaient de cloisons se multipliant à l'infini.

 

Mon mari avait passé, une certaine nuit, de longues heures, dans un ascenseur, depuis les urgences, transbahuté d'une salle de diagnostic à une autre, simplement - et heureusement - accompagné de son aide de vie de l'époque, pendant que moi-même, avec la patte cassée, et suspendue au téléphone, depuis mon lit, je cherchais à joindre une âme charitable et compétente susceptible de me renseigner à son sujet. Par bonheur, mon époux, aveugle, paralysé et inconscient, avait vécu cette expérience spéciale ainsi qu'il vivait tout le reste de sa vie : flottant entre ciel et terre, juste accroché à un fil d'Ariane dont je tenais l'autre bout, farouchement, enroulé autour du poignet.

 

Les Urgences...Qui donc, au-dessus de cinquante ans d'âge, aura eu la chance de se les voir épargnées !?

 

« Cela ira de mal en pis », m'a affirmé le Dr C... Je ne dis pas son nom, parce que dans un éditorial, il n'est pas coutumier de le faire.

 

Le Dr C a des opinions très tranchées. Et il faut être de très mauvaise fois pour ne pas les trouver imprégnées d'un énorme bon sens. Il les clame haut et fort, ses opinions -  plutôt indigné que la belle médecine soit logée à si mauvaise enseigne que si vous avez le bonheur d'habiter un coin de verdure à la campagne, vous n'aurez bientôt plus d'autres ressources – si ce n'est déjà chose faite – si vous tombez malade, - que de vous retrouver aux Urgences, pour une angine, une bronchite, une gastro, une crise d'asthme, une sciatique, une tendinite, un doigt coincé dans une porte – enfin – pour tous les petits et grands malheurs qui peuvent toucher à votre santé – car les médecins généralistes, à la campagne – c'est une espèce en voie extrêmement rapide de disparition !

 

On peut logiquement se demander comment ils vont faire, aux Urgences, sous peu !? Existe-t-il peut-être déjà des systèmes permettant d'accrocher les brancards aux marches des escaliers de secours, si dans les couloirs il n'y a plus de place !?

 

Le Dr C pousse un cri d'alerte : les déserts médicaux, c'est une menace grave et immédiate. Nos politiques ont effleuré le sujet sur la Une, dimanche soir 19 mars 2017.

 

Juste effleuré, en faisant semblant de le solutionner. Le numérus Clausus ? Quék-cék-ça !? Liberté ou non-liberté d'installation !? Ouââhhh ! Bêhhh !

 

Ils ont préféré nous entretenir gentiment de « maisons médicales à la campagne ». Vous voulez savoir ce que pense le Dr C des « maisons médicales à la campagne » ?!

C'est facile : voyez donc l'ITW qu'il a bien voulu accepter de la part de notre association, Cancer-Espoir...Cela vaut vraiment la peine !

Ici :

http://www.cancer-espoir-plus.fr/pages/nos-enquetes/medicales/les-deserts-medicaux-cela-devient-dramatique.html