Pollueur-payeur ou Con-de-payeur?
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Le texte ci-dessous est paru dans le journal de l'environnement. Et ce jour du 2 mars 2016 paraît un petit article sur le même propos dans le RL...
"Glissé dans la loi Biodiversité, le préjudice écologique risque dêtre sabordé par un amendement gouvernemental, qui prévoit rien de moins que la mort du principe pollueur-payeur. Car sil était adopté, aucune activité autorisée par un titre administratif, au sens large, ne pourrait donner lieu à réparation par son titulaire en cas de préjudice environnemental.
Un forage pétrolier qui pollue une nappe phréatique. Le défrichement dune forêt qui provoque une coulée de boue toxique. Une usine qui émet des fumées délétères pour lenvironnement. Autant dexemples, bien réels, de pollutions causées par lactivité humaine, qui pourraient être réparées par le jeu du préjudice écologique. Ce principe juridique, maintes fois reconnu par les tribunaux, est en voie dadoption dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, de retour devant lAssemblée nationale en deuxième lecture. Sauf quune petite phrase est en passe de dynamiter lédifice: le gouvernement a déposé mardi 1er mars, dans la plus grande discrétion, un amendement qui vide cette conquête environnementale de toute portée.
PERMIS DE POLLUER
«N'est pas réparable, sur le fondement [du préjudice écologique], le préjudice résultant dune atteinte autorisée par les lois, règlements et engagements internationaux de la France ou par un titre délivré pour leur application», prescrit l'alinéa 2 du futur article 1386-19 du Code civil. En clair, le titulaire dun titre, légal ou non, mais aussi dune autorisation qui découlerait de linterprétation de lois, règlements ou engagements internationaux de la France, ne serait désormais plus redevable dune quelconque réparation en cas datteinte à lenvironnement. Toute autorisation délivrée au titre de la loi sur leau, toute prescription obtenue pour le fonctionnement dune installation classée pour la protection de lenvironnement (ICPE), tout titre minier ou autorisation de travaux, deviendraient donc des sauf-conduits pour polluer sans être inquiété. Cet amendement reviendrait à créer un permis de polluer parallèle à lautorisation administrative, et viderait de sa substance le principe du pollueur-payeur.
ADMINISTRATION PARTOUT
Cest que ladministration est à tous les carrefours de la vie courante et de lactivité des entreprises. Du permis de construire un pavillon à lautorisation de forer au large des côtes guyanaises, on croise toujours un titre administratif. «La plupart des préjudices écologiques sont générés par des activités qui ont été autorisées par une autorité administrative, explique Arnaud Gossement, avocat en droit de lenvironnement. Avec cet amendement, on ne pourrait en ordonner la réparation que si lactivité na donné lieu à aucun titre ou ne découle daucune atteinte autorisée par aucune norme.» Peu plausible dans les faits.
CONTRE-PRODUCTIF
Vers qui se retourner, en cas datteinte à lenvironnement? Vers l'Etat. «Je peux comprendre que le préjudice écologique soit anxiogène pour des chefs dentreprise, mais je trouve cet amendement contre-productif, estime Arnaud Gossement. Car demain, ladministration sera infiniment plus réticente à délivrer une autorisation qui pourrait limpliquer, ou alors au prix dénormément de prescriptions.» Car cest vers l'Etat au sens large- que se retourneraient des victimes de dommages environnementaux. «Par analogie, cest comme si, la maison du voisin sécroulant sur la vôtre, vous alliez demander réparation au maire, puisque cest lui qui a délivré le permis de construire», illustre lavocat.
Cet amendement a des airs de baptême du feu pour Barbara Pompili. Sur Twitter, la nouvelle secrétaire d'Etat à la biodiversité a assuré quelle «[naccepterait] jamais un amendement qui supprimerait le principe pollueur-payeur. On travaille avec les députés». Lamendement sera discuté ce mardi 1er mars en Commission du développement durable dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, avant discussion en séance publique dès le 2 mars."
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